Êtes-vous (sans le savoir) un voleur de défaite ?

« Voleur de défaite » ?
Quelle drôle d’expression…

Il ne s’agit pas d’une nouvelle stratégie pour éviter de perdre des matchs. Pas du tout.


Cet article s’adresse en particulier aux parents (et quelques entraîneurs).
Mais commençons par une petite histoire…


Connaissez-vous la personne ci-dessous ?



 

Il y a de fortes chances que non…

Pourtant…

Reto Schmidli, est probablement la seule personne sur la planète terre à avoir mis 6/0 6/0 à Roger Federer !

Rien que ça.

Nous sommes en août 1991 au premier tour du tournoi jeune de Prattelm (dans la banlieue de Bâle) et Reto Schmidli, 13 ans, affronte Roger Federer alors âgé de 10 ans… 

Dès les premiers échanges, la supériorité de Schmidli est incontestable et il atomise littéralement le jeune Roger sans lui laisser le moindre jeu…

Reto Schmidli, aujourd’hui officier de police et tennisman amateur se souvient :

 

« Il n’a pas joué comme d’autres jeunes garçons en Suisse, qui se contentaient de garder la balle en jeu et ne commettre aucune erreur. Roger était différent. Il essayait de jouer des points spectaculaires… Tous ses coups sortaient. Comme s'il avait déjà l'idée du tennis qu'il voulait pratiquer mais qu'il n'avait pas encore les moyens de le réaliser. C'est pour cela que j'ai gagné facilement. »


Ce récit est très intéressant car il apporte un éclairage sur la construction du joueur que nous connaissons maintenant, sur sa carrière et sur son amour du jeu qui semble, encore aujourd’hui, intacte.

On peut bien sûr se demander comment une si cuisante défaite a pu être bénéfique à la carrière de Federer.

Ça paraît contre-intuitif.

Mais il faut relever deux éléments majeurs.



Le premier :

Federer ne jouait pas en fonction du résultat (même s’il voulait probablement gagner) mais il jouait avant tout avec le style qui lui convenait. Cette manière de jouer devait probablement lui apporter beaucoup de plaisir sur le court. C’est ainsi qu’il a commencé à naturellement bâtir son identité de joueur.


Le second :

Personne n’est venu lui voler sa défaite !

Et c’est là qu’un deuxième personnage entre en scène.


Le voici :



 

Qui est-ce ?

Même s’il se fait généralement très discret, tu as peut-être reconnu Robert Federer, le véritable « RF »surprise, père de Roger (Il y a un air de famille, je trouve :)

Pourquoi je l’intègre dans cette histoire ?

Tout simplement, car il a très sûrement adopté la bonne attitude à l’égard de son fiston suite à cette lourde défaite.

Il a su rester à sa place de père avec un soutien et un amour bienveillant.


Voici d’ailleurs ce qu’il dit aujourd’hui du rôle des parents dans le tennis :
 

« D’après moi, les parents devraient rester dans les coulisses. Pour nous, cela a toujours été très important que nos enfants puissent s’épanouir seuls. »

 

Si j’écris cet article sur le « vol de défaites », c’est pour sensibiliser et aider un maximum de parents afin qu’ils puissent adopter une meilleure attitude à l’égard de leurs enfants.

Beaucoup de parents ont de bonnes intentions mais ils ne se rendent pas compte à quel point, leur comportement peut causer des dégâts à court, moyen et long terme chez leurs enfants…


Voler une défaite, c’est quoi ?

Voler une défaite, c’est quand une personne empêche un joueur ou une joueuse de s’approprier pleinement son propre match en ne lui permettant pas de digérer sa défaite.


> Qu’on le veuille ou non, c’est le joueur qui a vécu le match !

> C’est lui qui a eu des sensations (bonnes ou mauvaises)…

> C’est lui qui a essayé d’appliquer des consignes de jeu…

> C’est lui qui a tenté de faire le geste technique appris récemment à l’entraînement… 

> C’est lui qui a éprouvé des émotions…

> Et c’est encore lui qui a du les gérer seul pendant toute la durée du match.

> Bref, c’est SON match !


Beaucoup de parents n’ont pas pratiqué le tennis en compétition et ils ne mesurent pas à quel point ce sport est difficile :

> Quand il faut repartir pour un troisième set après avoir eu des balles de match au second…

> Quand, après avoir déjà fait une double faute, on doit servir une seconde balle sur un point important…

> Quand l’adversaire casse le jeu et que, malgré la meilleure volonté du monde, on ne sait même plus comment frapper la moindre balle correctement…


Je pourrais rajouter encore beaucoup d’exemples pour illustrer toutes les difficultés inhérentes au seul sport au monde qui « permet » de perdre un match alors qu’on a gagné plus de points et/ou de jeux que son adversaire.

J'ai d'ailleurs écris un livre à ce sujet > Pourquoi le tennis est le sport le plus difficile, et pourquoi il rend fou ceux qui n'ont pas compris les raisons.).

Sans n’avoir jamais éprouvé ces émotions sur un court, combien de parents après la défaite de leur enfant, commencent à leur "faire la leçon" dans la voiture sur le chemin du retour ?


Malheureusement, il y en a beaucoup…

Je ne sais pas si vous êtes parent d’un joueur mais si c’est le cas, j’aimerai que vous compreniez les choses suivantes :

 

1. Sans défaite… pas de progression !

Pour espérer gagner, il faut savoir (ça s'apprend !) perdre. C'est à dire prendre du recul sur les raisons de ses défaites pour progresser et devenir plus performant.

Depuis tout petit, le système scolaire nous formate à penser qu'il n'y a toujours qu'une seule bonne réponse et que se tromper est grave (stylo rouge, mauvaise note, etc.)

Du coup, cela produit de futurs parents, entraineurs et sportifs qui ont ce rejet de l'erreur profondément ancré en eux…


Cela génère plusieurs problèmes :

- Le rejet du mauvais résultat.
- La difficulté à prendre des risques, à oser.
- Le manque de plaisir à tenter des choses.
- Le sentiment de culpabilité face à la défaite.
- L'absence de remise en question.
- Et, par voie de conséquence : l’absence de résultats !


Tomber et se relever…

Si bébé nous n'avions pas osé nous lever pour marcher. Si nous n'avions pas persévéré face aux chutes (3000 en moyenne). Si on nous avait expliqué de l’extérieur « comment faire » sans nous laisser expérimenter… Nous n'aurions jamais su comment nous tenir debout !

Évidemment, l’idée n'est pas de se complaire dans la défaite.
Ce n'est jamais agréable de perdre.
La clé c'est d'essayer d'en tirer des enseignements qui viendront compléter les enseignements des victoires (ne pas les oublier) pour s'inscrire dans un processus d'amélioration continue.

 

2) Être déçu… ce n’est pas grave !

Si votre enfant est déçu, ce n’est pas grave.
C’est même une réaction très saine après une défaite.

La déception est un sentiment proche de la tristesse et la tristesse est une émotion qui a une fonction hyper importante.


Elle permet d’accepter les choses qui viennent de se passer. 


D’accepter qu’on ne pourra pas revenir en arrière… 

En d’autres termes, la tristesse est une émotion qui ouvre d’autres horizons et qui permet de passer à la prochaine étape.

Essayer d’éviter à son enfant d’être déçu, c’est finalement le condamner à rester au même stade et à ne pas évoluer...

 

3) Votre enfant est une « éponge » émotionnelle

Pour l’enfant, naturellement, ce que font et disent les adultes est forcément juste

D’ailleurs, l’analyse que peuvent faire certains parents (pas tous) est parfois très bonne sur le plan « rationnel ».

Sauf qu’après une défaite, votre enfant est en mode « émotionnel ».

Alors… Il y a forcément « mal-entendu ».


En fait…


Quand le père, la mère (ou l'entraîneur) « déverse » tout de suite son ressenti après un match de tennis, il se sert, sans s’en rendre compte, de son propre enfant (ou élève) pour évacuer ses propres frustrations (souvent inconscientes)…

Si vous êtes un compétiteur dans l’âme, que vous n’avez pas pleinement réussi dans votre activité pour telle et telle raison…

Ce n’est bien sûr pas le problème de votre enfant !

Si c’est difficile pour vous, je vous suggère de vous faire aider, et, en tous cas, pour le bien de votre enfant, de ne pas lui transmettre « votre sac à dos émotionnel ».

Le tennis est déjà suffisamment difficile pour devoir jouer avec une charge supplémentaire sur le dos…

Il faut bien que vous compreniez que les parents qui agissent ainsi portent sérieusement atteinte à l’estime de soi de leurs enfants.

Bien souvent ils ne le font pas exprès (d’où l’idée de cet article) et ne se rendent même pas compte des mauvaises graines qu’ils peuvent planter dans l’esprit de leur enfant.

Après une défaite, un enfant ne doit jamais se sentir coupable de quoi que ce soit !

Ce sentiment de culpabilité l’amènera inconsciemment à vouloir gagner pour de mauvaises raisons comme, par exemple, soulager ou rendre heureux ses parents…


Un enfant qui se sent « coupable » est un enfant dépendant et vulnérable.


CULPABILITÉ = ÊTRE COUPABLE = ÊTRE VULNÉRABLE

 

À l’inverse, si les proches adoptent les bonnes attitudes après une défaite, alors progressivement l’enfant va se sentir responsable. 

La différence est majeure.

Ressentir la responsabilité de la défaite renforce l’estime et la confiance de l'enfant qui se sent alors « habilité à apporter des réponses » face à chaque situation.


RESPONS-ABILITÉ = HABILITÉ À RÉPONDRE

 

Reprenons l’exemple de la défaite 6/0 6/0 de Roger Federer…

Imaginons qu’après ce match, son père lui fasse tout un tas de reproches sur la façon dont il a joué (deux bulles quand même !)


Même en partant du principe que les remarques soient justes (ce qui n’est pas toujours le cas quand les parents ne connaissent ni le tennis ni le sport de compétition) que ce serait-il passé les matchs suivants pour le jeune Roger ?


Voilà probablement ce qui se serait passé :

Le jeune Roger n’aurait probablement plus joué libéré

Il aurait joué pour « ne pas perdre » et aurait tout simplement bâti son tennis avec une visée à court terme.

Il aurait sûrement gagné plus de matchs à court terme, ce qui aurait eu l’effet pervers de le conforter dans cette mauvaise voie…

Plus tard, dans les matchs d’un plus haut niveau, il aurait eu beaucoup plus de mal à retrouver son ADN* tennistique dans les moments tendus. 

*ADN = Authentique Différence Naturelle

Dans les moments clés, il aurait joué le « le cul entre deux chaises ».
 

Dommage, non ?

 

Alors, après une défaite, comment aider son enfant ?

Il faut poser un cadre bienveillant.

Cela implique bien sûr qu’il y a des limites à respecter et qu’en tant qu’adulte vous en êtes le garant. 

Poser un cadre, c’est apprendre le respect des règles, des horaires, du matériel, de l’entraîneur, de l’arbitre, de l’adversaire et de soi-même.

Poser un cadre, c'est afficher une stabilité émotionnelle qui permet à l'enfant de constater que même si c'est difficile pour lui, "le monde" ne vacille pas autour de lui.

 

Poser un cadre, c’est rassurant.
 

Dans ce cadre, laissez une totale liberté à votre enfant.
 

Il doit ressentir de votre part « un amour inconditionnel ».

Un amour qui ne peut en aucun cas dépendre du score d’un match de tennis…

 

Si votre enfant est très triste, ne portez aucun jugement sur le match.

Laissez votre enfant s’exprimer, dire ce qu’il ressent.

Soyez à l’écoute.

 

Au delà de vos mots ce qui comptera le plus pour votre enfant sera votre attitude.

Soyez présent.

Pleinement présent.

 

Vous savez, la progression au tennis est multifactorielle.

On ne peut pas progresser de manière linéaire dans tous les secteurs de jeu.

Progresser prend du temps.

 

Donnez du temps à votre enfant.

La compétition ne doit en aucun cas devenir une source de souffrance pour lui.

Aidez-le à garder le maximum de plaisir dans le jeu.

 

C’est la meilleur façon de l’aider ;)



Avec Grinta ;)
Dorian



Ps :

Récemment, Jurgen Klopp, entraîneur du FC Liverpool, a apporté une analyse très juste sur la notion de "résultat". Voilà ce qu'il répond à la question "le résultat est plus important que la manière de jouer ?" :
 

A 100% !
Mais seulement sur le court terme. Le résultat représente tout.

Vous jouez un match de merde, vous le gagnez. Ok !
Vous progressez dans le classement mais pas dans votre développement

La manière de bien jouer, c’est une chose sur laquelle vous pouvez vous appuyer. Pour gagner, ou se donner une possibilité de gagner. La chance, ça va vous arriver deux ou trois fois. La quatrième, vous plongez, vous perdez votre confiance parce que vous savez que vous avez été chanceux les fois d’avant, et vous n’avancez plus. Le but d’une préparation d’avant-saison, c’est donc d’arriver à être le plus stable possible dans tous les secteurs au moment de démarrer le Championnat. Mais le meilleur match de la saison ne doit être ni le premier ni le dernier. Sinon, ça veut dire que vous vous êtes planté.

 

 
 

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Coach ATP - Psychologue - Formateur